La voix d’un communard, par Jacques Kisner (Le Monde diplomatique, août 2014)
De la classique Histoire de la Commune de 1871
de Prosper-Olivier Lissagaray aux Mémoires de Louise Michel (1), de la
trilogie de Jules Vallès (L’Enfant, Le Bachelier, L’Insurgé) à La Guerre
civile en France, de Karl Marx, les ouvrages consacrés
au bref épisode de démocratie populaire dans la capitale française sont
légion. Laure Goudineau a exhumé dans La Commune de Paris par ceux qui
l’ont vécue des itinéraires de communards, pour la plupart jusqu’alors
anonymes (2). Dans ce registre, les Souvenirs d’un révolutionnaire (3),
régulièrement publiés depuis 1871 mais épuisés, et ici heureusement
réédités, proposent un témoignage exceptionnel. L’auteur, Gustave
Lefrançais, raconte avec modestie l’existence passionnément engagée d’un
révolutionnaire aux côtés du prolétariat naissant.
Qui est
Lefrançais ?, s’interrogeait Daniel Bensaïd, préfacier de l’ouvrage. Un «
inconnu » (1826-1901) qui fut président provisoire de la Commune de
Paris, un instituteur révoqué, un militant emprisonné puis exilé, un
inlassable lutteur. Un anonyme à qui, excusez du peu, Eugène Pottier
dédiera... L’Internationale.
Ces Mémoires vont des fusillades
de juin 1848, au cours desquelles la iie République, proclamée trois
mois plus tôt, fait tirer sur les ouvriers insurgés, à celles de mai
1871, lorsque le pouvoir né de la défaite devant la Prusse anéantit la
Commune. S’y dévoile une génération aux prises avec mille difficultés
pour panser les plaies politiques et essayer d’aller de l’avant.