« De l’Etat de droit à l’Etat de sécurité », par Giorgio Agamben
On ne comprend pas l’enjeu véritable de la prolongation de l’état d’urgence [jusqu’à la fin février] en France, si on ne le situe pas dans le contexte d’une transformation radicale du modèle étatique qui nous est familier. Il faut avant tout démentir
le propos des femmes et hommes politiques irresponsables, selon
lesquels l’état d’urgence serait un bouclier pour la démocratie.
Les historiens savent parfaitement que c’est le contraire qui est vrai. L’état d’urgence est justement le dispositif par lequel les
pouvoirs totalitaires se sont installés en Europe. Ainsi, dans les années qui ont précédé la prise du pouvoir
par Hitler, les gouvernements sociaux-démocrates de Weimar avaient eu
si souvent recours à l’état d’urgence (état d’exception, comme on le
nomme en allemand), qu’on a pu dire que l’Allemagne avait déjà cessé, avant 1933, d’être une démocratie parlementaire.