Entrée clandestine en Turquie: les réfugiés syriens soumis à la "loi de la forêt"
Par Michel MOUTOTLa décision turque de fermer sa frontière avec la Syrie
fait la fortune de familles de passeurs, qui font payer chaque jour
davantage aux réfugiés syriens fuyant les bombardements dans le nord du
pays leur passage clandestin en Turquie.
fait la fortune de familles de passeurs, qui font payer chaque jour
davantage aux réfugiés syriens fuyant les bombardements dans le nord du
pays leur passage clandestin en Turquie.
Comme les clans mafieux qui prospèrent en poussant à la Méditerranée
des milliers de migrants, ces contrebandiers, le plus souvent des
villageois dont les champs jouxtent les grillages, rackettent, rudoient
et exploitent les réfugiés syriens qui se refusent à attendre, dans des
camps de toile surpeuplés, une hypothétique ouverture par Ankara de ses
postes-frontière.
Fatima al-Ahmed, 27 ans, attablée dans un café en plein air à Kilis,
dans le sud de la Turquie, a franchi il y a une semaine, son fils de 2
ans dans les bras, les barbelés découpés entre les oliviers.
Elle a décidé de fuir son quartier de Sakhour, tenu par les rebelles
dans l'est d'Alep, quand son mari a péri, il y a un mois, dans un
bombardement alors qu'il était sorti chercher de quoi manger.
"Nous nous sommes groupés, à huit, avec des voisins", dit-elle d'une
voix douce. "Ils m'ont aidé à payer, je n'avais pas assez d'argent.
Avant, tout s'organisait d'Alep, on s'adressait à des passeurs de
confiance. Mais maintenant, depuis les bombardements russes, il y a trop
de monde. Alors nous sommes partis comme ça".
Après quinze heures d'un trajet effrayant en minibus, entre coups de
feu et explosions - 90 minutes en temps normal -, ils arrivent au hameau
de Yaaroubié, sur la frontière.
"Les passeurs sont là. Ils crient "Turquie ! En Turquie ! Qui veut
aller en Turquie ?" Ils sont méchants, violents, ne pensent qu'à
l'argent", dit Fatima. "Ils nous poussent comme du bétail, frappent les
femmes qui ne marchent pas assez vite, même quand elles portent des
bébés. C'est terrible, c'est la loi de la forêt".
- 'Seule face à son destin' -
La jeune femme raconte, comme tous les autres réfugiés rencontrés à
Kilis, que les passeurs syriens sont en constante relation, par
téléphone ou talkie-walkie, avec les passeurs turcs qui vont les prendre
en charge une fois la frontière passée.
"Ils nous ont fait attendre,
assis par terre sous les arbres, que ce soit l'heure. L'heure à laquelle
les soldats turcs qu'ils ont payés sont de garde et regardent ailleurs
pendant que nous passons", dit-elle.
assis par terre sous les arbres, que ce soit l'heure. L'heure à laquelle
les soldats turcs qu'ils ont payés sont de garde et regardent ailleurs
pendant que nous passons", dit-elle.
Son épopée lui a coûté près de 300 euros, tout l'argent qu'elle avait, et même davantage.